Page 53 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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touffus, de ces arbres à feuilles oblongues, imitant celles du laurier, et
         dont  la  fleur  au  calice  allongé,  d’un  rouge  pâle,  et  complètement
         inodore, n’en a pas moins usurpé dans le rustique vocabulaire le nom
         de laurier-rose. C’est pour tout animal une nourriture mortelle.
            Mais, dans cette fatale conjoncture, décidé à mourir, je persistais à
         vouloir manger de ces roses vénéneuses, et j’en approchais, sans trop
         d’empressement  toutefois,  lorsqu’un  jeune  garçon,  apparemment  le
         jardinier de l’enclos où j’avais fait un si grand ravage de légumes,
         accourut, exaspéré de ce dégât, un long bâton à la main. Le drôle me
         roua de coups, et m’aurait laissé sur la place, si je ne me fusse moi-
         même  secouru  fort  à  propos.      Je  levai  soudain  la  croupe,  et,  lui
         détachant  force  ruades,  je  le  jetai  en  assez  mauvais  état  contre
         l’escarpement de la berge. Puis je pris ma course aussitôt.   Mais une
         femme (la sienne sans doute), qui d’en haut l’avait vu terrassé et sans
         mouvement,  s’élance  vers  lui  avec  des  hurlements  lamentables,  et
         implorant à grands cris, pour elle, une pitié que la gaillarde voulait
         tourner à mon détriment.   Ses doléances, en effet, mirent sur pied toute
         la population du village. Voilà qu’on appelle les chiens ; et chacun
         d’exciter leur rage à me mettre en pièces.   Cette fois, je me crus à ma
         dernière heure : voir une bande de chiens, et quels chiens ! (tous de
         force à combattre des lions et des ours !) déchaînés ensemble contre
         moi !   Je prends mon parti. Je cesse de fuir, et, revenant sur mes pas,
         je regagne au plus vite l’écurie où nous étions d’abord entrés.   Les
         paysans, après avoir arrêté leurs chiens à grand-peine, me saisissent,
         et m’attachent avec une forte courroie à un anneau scellé dans le mur ;
         et  puis,  on  recommence  à  me  battre.  Infailliblement,  j’allais  être
         assommé, quand mes intestins, contractés par la douleur des coups et
         déjà torturés par l’indigeste amas de légumes crus dont je les avais
         bourrés, tout à coup se dilatent et font explosion, lançant une certaine
         matière dont les éclaboussures atteignent les uns, et dont l’odeur, en
         dispersant les autres, dégage mon dos à moitié moulu.
            Il  était  midi  passé,  et  le  soleil  déclinait  déjà.  Les  voleurs  nous
         rechargent à la hâte, en augmentant beaucoup mon fardeau, et nous
         font quitter l’écurie.   Après une traite assez longue, je me sentis épuisé
         de fatigue. J’étais écrasé sous le faix, et tout rompu des coups de bâton
         que  j’avais  reçus ;  la  corne  de  mes  pieds  était  usée ;  je  boitais  et



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