Page 28 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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notre  jeune  noblesse  un  parti  sans  frein,  ennemi  juré  de  la  paix
         publique : et vous rencontrerez des hommes égorgés en pleine rue. Les
         troupes  du  gouverneur  sont  trop  loin  de  nous  pour  empêcher  ces
         massacres.   Votre position élevée fait de vous un point de mire ; et,
         comme étranger, vous avez moins qu’un autre de protection à attendre.
         Rassure-toi,  ma  chère  Photis,  lui  répondis-je ;  je  tiens  plus  à  nos
         plaisirs qu’à tous les festins du monde ; et il suffit de ton inquiétude
         pour me faire presser mon retour. D’ailleurs, je ne marche pas seul. Et
         puis j’aurai au côté mon épée. C’est une sauvegarde qui ne me quitte
         pas. Muni de cette précaution, je me rends à ce souper.
            J’y trouvai grande réunion, et, comme je m’y attendais, d’après le
         rang de la dame du logis, la meilleure compagnie de la ville. Les lits,
         d’une magnificence extrême, étaient en bois de citronnier avec des
         ornements d’ivoire, et recouverts d’étoffes brodées d’or. Sur la table
         de larges coupes, toutes diverses de forme et de beauté, toutes d’un
         prix inestimable.   Ici le verre artistement ciselé, là le cristal taillé à
         facettes. L’argent brillait, l’or resplendissait. Il s’y trouvait jusqu’à des
         morceaux d’ambre cristallisé, que l’art avait creusé pour servir de vase
         à boire ; enfin un luxe inimaginable.   Plusieurs écuyers tranchants,
         magnifiquement  vêtus,  découpaient  les  mets  sans  nombre  que  de
         jeunes filles servaient avec toute la grâce possible. De jeunes garçons
         qu’on avait frisés au fer, et élégamment drapés, ne cessaient de verser
         aux convives un vin vieux dans des vases faits de pierres précieuses.
         Bientôt l’arrivée des flambeaux donne l’essor aux propos de table ; le
         rire se communique, les bons mots circulent, et, parfois, l’épigramme
         étincelle.      Byrrhène  alors  m’adressa  la  parole :  Que  dites-vous  de
         notre pays ? Aucune ville, que je sache, ne possède rien de comparable
         à nos temples, à nos bains, à nos édifices publics en général. Et nous
         ne sommes pas moins bien pourvus des choses utiles :   chez nous
         l’homme de plaisir trouve les mêmes facilités, l’homme de négoce les
         mêmes  débouchés  qu’à  Rome  même ;  et  l’homme  aux  goûts
         tranquilles peut jouir ici du recueillement de la campagne. Tous les
         plaisirs de la province s’y sont donné rendez-vous.
            Rien n’est plus vrai, repris-je ; nulle part je ne me suis senti plus à
         l’aise.  Mais  il  y  a  la  magie,  dont  je  redoute  singulièrement  les
         ténébreuses embûches et les pièges inévitables.   Le tombeau même,



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