Page 18 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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            Dès que la nuit se fut dissipée et qu’un nouveau soleil eut ramené
         le jour, je dis adieu au sommeil et au lit, avec cette curiosité fébrile
         d’un amateur du merveilleux.   Enfin, me disais-je, me voici dans cette
         Thessalie, terre natale de l’art magique, et qui fait tant de bruit dans le
         monde par ses prodiges. C’est donc ici que s’est passé tout ce que ce
         bon Aristomène nous a conté en route ! J’éprouvais je ne sais quel
         désir vague et  inquiet,  et  je promenais  de toutes parts mes regards
         scrutateurs.   Nul objet ne se présentait à ma vue, que je ne le prisse
         pour autre que ce qu’il était. Tout me semblait métamorphose.   Dans
         les pierres, les oiseaux, les arbres du Pomérium, les fontaines de la
         ville, je voyais autant de créatures humaines, transmuées par la vertu
         des  fatales  paroles.  Le  charme  avait  pétrifié  les  uns,  emplumé  les
         autres, commandé à ceux-ci de pousser des feuilles, à ceux-là de faire
         jaillir l’eau du fond de leurs veines.   Il me semblait que des statues
         allaient marcher, les murailles parler, le bétail prédire, et que, de la
         voûte des cieux, le soleil lui-même allait prononcer des oracles.
            J’allais  et  venais,  frappé  de  stupeur,  torturé  par  l’attente ;  sans
         apercevoir  même  un  commencement  de  réalisation  de  toute  cette
         fantasmagorie.   Enfin, tout en errant de porte en porte, me dandinant
         comme un désœuvré et marchant en zigzag comme un homme ivre,
         je me trouvai insensiblement au milieu du marché. Une dame passait,
         avec  un  nombreux  cortège  de  domestiques.  Je  hâtai  le  pas  pour  la
         joindre.   Le luxe de ses pierreries, et l’or qui brillait sur ses vêtements,
         ici en tissu, là en broderie, annonçaient une dame de haut parage.   Elle
         avait à ses côtés un homme d’âge avancé, qui s’écria en m’apercevant :
         Eh ! oui, c’est bien Lucius !   Là-dessus, il m’embrasse ; et marmottant
         je ne sais quoi à l’oreille de la dame : Approchez donc, me dit-il, et
         saluez votre mère.   Qui ? moi ? répondis-je ; je ne connais pas cette
         dame. Et, le rouge me montant au visage, je rejetai la tête en arrière, et
         reculai de quelques pas.   La dame fixe alors son regard sur moi : Il
         tient de famille, dit-elle ; voici des traits où la belle âme de sa vertueuse
         mère  Salvia  respire  tout  entière.  Et  puis,  quelles  merveilleuses



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