Page 18 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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II
Dès que la nuit se fut dissipée et qu’un nouveau soleil eut ramené
le jour, je dis adieu au sommeil et au lit, avec cette curiosité fébrile
d’un amateur du merveilleux. Enfin, me disais-je, me voici dans cette
Thessalie, terre natale de l’art magique, et qui fait tant de bruit dans le
monde par ses prodiges. C’est donc ici que s’est passé tout ce que ce
bon Aristomène nous a conté en route ! J’éprouvais je ne sais quel
désir vague et inquiet, et je promenais de toutes parts mes regards
scrutateurs. Nul objet ne se présentait à ma vue, que je ne le prisse
pour autre que ce qu’il était. Tout me semblait métamorphose. Dans
les pierres, les oiseaux, les arbres du Pomérium, les fontaines de la
ville, je voyais autant de créatures humaines, transmuées par la vertu
des fatales paroles. Le charme avait pétrifié les uns, emplumé les
autres, commandé à ceux-ci de pousser des feuilles, à ceux-là de faire
jaillir l’eau du fond de leurs veines. Il me semblait que des statues
allaient marcher, les murailles parler, le bétail prédire, et que, de la
voûte des cieux, le soleil lui-même allait prononcer des oracles.
J’allais et venais, frappé de stupeur, torturé par l’attente ; sans
apercevoir même un commencement de réalisation de toute cette
fantasmagorie. Enfin, tout en errant de porte en porte, me dandinant
comme un désœuvré et marchant en zigzag comme un homme ivre,
je me trouvai insensiblement au milieu du marché. Une dame passait,
avec un nombreux cortège de domestiques. Je hâtai le pas pour la
joindre. Le luxe de ses pierreries, et l’or qui brillait sur ses vêtements,
ici en tissu, là en broderie, annonçaient une dame de haut parage. Elle
avait à ses côtés un homme d’âge avancé, qui s’écria en m’apercevant :
Eh ! oui, c’est bien Lucius ! Là-dessus, il m’embrasse ; et marmottant
je ne sais quoi à l’oreille de la dame : Approchez donc, me dit-il, et
saluez votre mère. Qui ? moi ? répondis-je ; je ne connais pas cette
dame. Et, le rouge me montant au visage, je rejetai la tête en arrière, et
reculai de quelques pas. La dame fixe alors son regard sur moi : Il
tient de famille, dit-elle ; voici des traits où la belle âme de sa vertueuse
mère Salvia respire tout entière. Et puis, quelles merveilleuses
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