Page 17 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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ce ainsi, vous autres, que vous rançonnez nos amis ? Et des étrangers
encore ! Vendre à ce prix de pareil fretin ! À force de surfaire, vous
affamerez cette ville qui est la fleur de toute la Thessalie, et vous nous
la rendrez déserte comme un rocher. Mais prenez-y garde. Et toi, je
vais t’apprendre comment les fripons sont menés sous mon
administration. Répandant alors mon poisson sur le pavé, il ordonne à
l’officier qui le suivait de marcher dessus, et d’écraser le tout sous ses
pieds. Après cet acte de vigueur, mon Pythias se tourne vers moi, et
me dit : C’est un homme d’âge ; il est assez puni par l’affront public
que je lui ai fait.
Tout ébahi de cette scène, et sans argent ni souper, grâce à
l’officieuse intervention de mon habile homme d’ami, je me résigne à
aller au bain. De là, plus lavé que restauré, je regagne le logis de Milon,
et enfin ma chambre.
Photis vint me dire que le patron me demandait. Moi, bien au fait
des habitudes d’abstinence de la maison, je fis une excuse polie : je
n’étais que fatigué du voyage, et j’avais moins besoin de nourriture
que de repos. Mais il ne s’en contenta pas, il vint en personne ; et
m’appréhendant au corps avec une douce violence, il tâche de
m’entraîner. Je résistais, je faisais des façons : Je ne sors pas d’ici sans
vous, dit-il, en appuyant cette protestation d’un serment. Il fallut se
rendre, et le suivre, bon gré, mal gré, jusqu’à son méchant lit, où il me
fit asseoir. Comment va notre cher Déméas, me dit-il ? Et sa femme ?
et ses enfants ? et toute la maisonnée ? À chaque question, une
réponse. Il s’informe ensuite avec détail des motifs de mon voyage.
Je les déduis tout au long. Puis le voilà qui s’enquiert par le menu de
tout ce qui concerne ma ville natale, ses notables habitants, son
premier magistrat, etc., etc. ; tant qu’enfin il s’aperçut qu’épuisé d’un
si rude voyage, et non moins harassé de cette enfilade de questions, je
tombais de sommeil avant la fin de chaque phrase, ne pouvant plus
même franchir certaines articulations. Il me permit alors de gagner
mon lit. Je m’échappai ainsi du famélique souper de ce vieux ladre ;
lourd de tête, mais léger d’estomac ; ayant tâté de son babil pour tout
potage. Et, rentré dans ma chambre, je goûtai enfin le repos si
ardemment souhaité.
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