Page 9 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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intelligences surnaturelles, allait être instruite de nos propos ! Eh vite,
dépêchons-nous de dormir ; et dès que le sommeil nous aura rendu les
forces, éloignons-nous d’ici sans attendre le jour, et le plus tôt qu’il
nous sera possible. Je parlais encore, que déjà le bon Socrate ronflait
de son mieux, sous la double influence de la fatigue et du vin, dont il
avait perdu l’habitude. Aussitôt je ferme la porte, j’assure les verrous,
puis je me jette sur mon grabat, ayant pris la précaution de l’appuyer
contre les battants en manière de barricade. La peur me tint d’abord
éveillé et ce ne fut qu’à la troisième veille que mes yeux
commencèrent à se fermer.
Je venais de m’assoupir. Tout à coup, avec un fracas qui
n’annonçait pas des voleurs, la porte s’ouvre, ou plutôt elle est
enfoncée par une force extérieure qui brise ou arrache les gonds,
culbute ma petite couchette boiteuse et vermoulue, et me fait rouler
sur le plancher. Là, je reste à plat ventre, emprisonné sous mon lit qui
retombe sur moi et me cache tout entier.
Je compris alors qu’il peut y avoir contraste entre le sentiment et sa
manifestation extérieure. Souvent la joie fait verser des larmes. Moi,
malgré l’épouvante qui m’avait saisi, je ne pus retenir un éclat de rire
à cette métamorphose grotesque d’Aristomène en tortue. Tapi
cependant sous cette cachette improvisée, je guettais tout inquiet, et en
regardant de côté la suite de cette aventure. Je vois entrer deux femmes
d’un âge avancé, dont l’une tenait une lampe et l’autre une éponge et
une épée nue. Dans cet appareil, elles se placent aux deux côtés du lit
de Socrate, qui continuait à dormir de plus belle ; et la femme au
glaive parle ainsi : Panthia, ma sœur, le voilà ce bel Endymion, ce
mignon chéri qui jour et nuit a usé et abusé de moi, pauvrette, et qui
fait maintenant si bon marché de ma tendresse. C’est peu de me
diffamer, il veut me fuir ; et moi, nouvelle Calypso, je n’aurai plus
qu’à pleurer dans un veuvage éternel la perfidie et l’abandon de cet
autre Ulysse. Puis, me montrant du doigt à sa sœur Panthia : Et cet
excellent conseiller, cet Aristomène, qui a tramé cette fuite, et qui, plus
mort que vif en ce moment, est là qui nous épie, rampant sous ce
grabat, croit-il m’avoir impunément offensée ? Sous peu, dans un
instant, tout à l’heure, j’aurai raison de ses sarcasmes d’hier et de sa
curiosité d’aujourd’hui.
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