Page 190 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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Au milieu de la marche, le grand prêtre tiendra par mon ordre une
couronne de roses de la main qui porte le sistre. Courage ; va, sans
hésiter, te faire jour à travers la foule, et te joindre à cette pompe
solennelle. Tu t’approcheras du pontife comme si tu voulais lui baiser
la main, et, prenant doucement les roses, soudain tu te verras dépouillé
de l’odieuse enveloppe qui depuis si longtemps blesse mes yeux.
Point d’inquiétude sur l’exécution de mes ordres ; car en ce moment
même, et toute présente que je sois pour toi, mon pontife, pendant son
sommeil, reçoit de moi des instructions sur ce qui reste à faire. Par
mon ordre, les flots pressés de la foule vont s’ouvrir devant toi. Ta
grotesque figure, au milieu de cette solennité, n’effarouchera
personne ; nul ne trouvera étrange ou suspecte ta soudaine
métamorphose. Mais souviens-toi, et que cette pensée soit gravée au
fond de ton cœur, que ce qui te reste de vie, jusqu’à ton dernier soupir,
m’est désormais consacré. Rendus à l’humanité par mon bienfaisant
pouvoir, tes jours m’appartiennent de droit. Tu vivras heureux, tu
vivras glorieux sous ma puissance tutélaire ; et lorsqu’au terme
prescrit tu descendras aux sombres bords, dans ce souterrain
hémisphère, tu me retrouveras, moi que tu vois en ce moment, tu me
retrouveras brillante au milieu de la nuit de l’Érèbe, tenant le Styx sous
mes lois. Hôte des champs élyséens, tu continueras tes pieux
hommages à ta divinité protectrice. Apprends d’ailleurs que, si tu le
mérites par ton culte assidu, ton entière dévotion, ta pureté inviolable,
j’ai le pouvoir de prolonger tes jours au delà du temps fixé par les
destins.
Cet oracle achevé, la glorieuse apparition redescend sur elle-même.
Je me réveille éperdu de saisissement et de joie, et me lève baigné de
sueur. Cette imposante manifestation de la divinité me laissait comme
en extase. Mais bientôt je cours me plonger dans la mer, et, tout entier
aux suprêmes instructions que je venais de recevoir, je les repassais
par ordre dans mon esprit, quand, triomphant de l’épaisseur des
ombres, le soleil dora tout à coup l’horizon. Déjà pleins d’un
empressement religieux, et avec toute la curiosité qu’inspire une
pompe triomphale, des groupes d’habitants affluent de toutes parts sur
les places publiques. Sans parler de ce qui se passait en moi, une
teinte d’allégresse semblait répandue sur tous les objets. Je voyais
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