Page 197 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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titre de secrétaire, debout devant la porte, convoque à haute voix une
assemblée des Pastophores (nom que l’on donne à ce sacré collège).
Il monte ensuite dans une chaire élevée, et récite, en lisant dans un
livre, des prières pour le grand empereur, pour le sénat, pour les
chevaliers, pour le peuple romain, pour la prospérité de tout ce qui
compose le vaste empire, et conclut par la formule grecque : Que le
peuple se retire ! parole qui voulait dire que le sacrifice était agréé,
comme le témoigna l’acclamation qui la suivit. Et tous, dans un
transport d’allégresse, apportant des rameaux d’olivier fleuri, des
branches de verveine et des guirlandes, les déposent devant la statue
d’argent élevée à la déesse sur une estrade, et se retirent chez eux après
lui avoir baisé les pieds. Quant à moi, je n’avais garde de m’éloigner
d’un seul pas ; je demeurais les yeux fixés sur la déesse, réfléchissant
à mes infortunes passées.
Les ailes de la Renommée, pendant ce temps, ne s’étaient pas
engourdies. Partout dans mon pays elle avait publié l’adorable bienfait
de la déesse, et mes surprenantes aventures. Mes amis, mes
domestiques, tout ce qui tenait à moi par les liens du sang, dépose le
deuil que le faux bruit de ma mort avait fait prendre, et, changeant
soudain la douleur en joie, accourt, les mains pleines de présents, pour
s’assurer par ses propres yeux si j’étais en effet retrouvé, et vraiment
revenu des enfers. J’avais désespéré de les revoir jamais. Leur vue
me fit un bien inexprimable. J’acceptai avec reconnaissance ce qui
m’était si obligeamment offert. Grâce à la prévoyance des miens, je
voyais mon entretien et ma dépense largement assurés.
Après avoir dit à chacun ce qu’il convenait de lui dire, fait le récit
de mes infortunes passées et le tableau de ma félicité présente, je
retournai avec un redoublement de gratitude à la contemplation de ma
divine protectrice. Je louai un logement dans l’enceinte de l’édifice
sacré, et j’y établis provisoirement mes pénates. Je ne manquais à la
célébration d’aucun des rites intimes ; je ne quittais pas la société des
prêtres, et, toujours en adoration, je ne me séparais pas un seul moment
de la grande divinité. Il ne m’arriva point de passer une seule nuit, ni
de m’abandonner au repos, sans avoir une apparition et sans entendre
la voix de la déesse. Sa volonté m’avait depuis longtemps destiné au
service des autels, et ses commandements réitérés me prescrivaient de
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