Page 201 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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pendant lesquels je ne pouvais manger d’aucune substance animale, ni
boire de vin. Ces prescriptions accomplies avec une religieuse
exactitude, arrive le jour de la divine promesse. Déjà le soleil sur son
déclin ramenait le soir, quand je me vis entouré de tous côtés d’une
foule nombreuse qui, selon l’usage antique et solennel, venait me faire
hommage de divers présents. Le grand prêtre écarte ensuite les
profanes, me fait revêtir d’une robe de lin écru, et, me prenant par la
main, m’emmène dans le plus profond du sanctuaire. Sans doute, ami
lecteur, votre curiosité va s’enquérir de ce qui se dit, de ce qui se fit
ensuite. Je le dirais, s’il était permis de le dire ; vous l’apprendriez, s’il
était permis de l’apprendre. Mais il y aurait crime au même degré
pour les oreilles confidentes et pour la bouche révélatrice. Si
cependant c’est un sentiment religieux qui vous anime, je me ferais
scrupule de vous tourmenter. Écoutez et croyez, car ce que je dis est
vrai. J’ai touché aux portes du trépas ; mon pied s’est posé sur le seuil
de Proserpine. Au retour, j’ai traversé tous les éléments. Dans la
profondeur de la nuit, j’ai vu rayonner le soleil. Dieux de l’enfer, dieux
de l’Empyrée, tous ont été vus par moi face à face, et adorés de près.
Voilà ce que j’ai à vous dire, et vous n’en serez pas plus éclairés. Mais
ce que je puis découvrir sans sacrilège aux intelligences profanes, le
voici :
Le point du jour arriva ; et, les cérémonies terminées, je m’avançai
couvert de douze robes sacerdotales, circonstance mystérieuse
assurément, mais que rien ne m’oblige à taire, car elle eut de nombreux
témoins. Une estrade en bois était élevée au milieu de l’édifice sacré.
On m’y fit asseoir en face de la statue de la déesse, splendidement
couvert d’une robe de dessus de lin à fleurs. Une précieuse chlamyde
flottait sur mes épaules et descendait jusqu’à mes talons. Je me
montrais chamarré, sous tous les aspects de figures d’animaux de
toutes couleurs. Ici, c’étaient les dragons de l’Inde ; là, les griffons
hyperboréens, animaux d’un autre monde et pourvus d’ailes comme
les oiseaux. Les prêtres donnent à ce vêtement le nom d’étole
olympiaque. Ma main droite tenait une torche allumée ; mon front
était ceint d’une belle couronne de palmier blanc, dont les feuilles
dressées semblaient autant de rayons lumineux. Tout à coup les
rideaux se tirent, j’apparais comme la statue du soleil à la foule, qui
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