Page 200 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
P. 200
choix que, par suite d’un rapport entre nos deux étoiles, la déesse
faisait de Mithras son grand prêtre pour présider à ma consécration.
Encouragé par ces indications, marques positives de la bienveillance
de la grande déesse, je dis adieu au sommeil avant qu’il fût tout à fait
jour, et me rendis en toute hâte à l’appartement du grand prêtre. Je le
trouvai qui en sortait ; et, après lui avoir rendu les devoirs, j’allais
revenir à la charge plus obstinément que jamais, et réclamer l’initiation
comme un droit acquis. Mais il ne m’eût pas plutôt aperçu, que le
premier il prit la parole. O mon cher Lucius, dit-il, quel bonheur, quelle
félicité est la vôtre ! La suprême volonté de la déesse daigne enfin vous
admettre au ministère auguste. Pourquoi rester immobile à cette
heure ? D’où vient ce peu d’empressement ? Voici le jour appelé de
tous vos œuvre ; le jour où, par les commandements de la divinité aux
mille noms, ces mains vont vous initier aux plus saints arcanes de notre
culte. Et, m’imposant alors sa main droite sur l’épaule, le bon
vieillard me conduit lui-même aux portes du vaste édifice. Là, après
avoir procédé à l’ouverture suivant le rite accoutumé, et accompli le
sacrifice du matin, il tire de la cachette la plus mystérieuse du
sanctuaire des livres écrits en signes propres à les rendre
inintelligibles ; les mots, qui resserrent en si peu d’espace l’expression
de la pensée, s’y traduisent par une foule de dessins dont les uns
représentent toutes sortes d’animaux, tandis que les autres
s’enchevêtrent en nœuds, s’arrondissent en roues, ou se contournent
en spirales comme les vrilles de la vigne ; inventions étranges, qui
n’ont pour objet que de soustraire le sens à la curiosité des profanes. Il
m’en lit un passage qui enseigne à l’adepte les préparatifs qui lui sont
indispensables.
Tout ce qui devait être acheté le fut bientôt, et à tout prix, tant par
moi que par les miens. Enfin le grand prêtre annonce que le moment
est venu ; et sur-le-champ, suivi de la sainte cohorte, il me conduit au
bain le plus proche. Quand je m’y fus plongé selon l’usage, après avoir
appelé sur moi la miséricorde divine, il me purifia par une complète
ablution, et me ramena au temple. Les deux premières parties du jour
étaient écoulées. Il me fit prosterner aux pieds de la déesse, et me
communiqua sous le secret ce que la parole ne saurait rendre. Puis à
haute voix, et devant l’assistance, il m’imposa dix jours d’abstinence,
200