Page 112 - Histoires et Contes Arabes - Bibliothèque du bon vivant - 1927 - DZWEBDATA
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HISTOIRES ARABES
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Les soldats sénégalais, comme tous les noirs illet-
trés, ont le culte du papier imprimé. C'est pour eux
le signe visible non seulement de la science, mais
aussi de l'autorité de l'administration, du bu-eau, du
chef blanc.
Il n'est même pas nécessaire que le papier soit
imprimé. Quand un administrateur des colonies fait
transmettre un ordre oralement par un garde, il lui
remet un papier que le noir pique à sa baïonnette et
porte gravement à l'intéreésé qui est convaincu que
son nom y figure.
Un chef de poste avait la désagréable et dange-»
reu^e dysenterie amibienne : soit 20 à 40 selles par
jour... et une grande consommation de papier. Obligé
de continuer son service, il s'écartait parfois derrière
un buisson et baissait culotte. Les papiers qu'il
semait étaient en général^ vite détruits par le soleil, les
insectes, ou entraînés par le vent.
Un jour, le chef blanc vit entrer dans son bureau
un tirailleur sénégalais qui claqua du talon, se mit
au garde-à-vous, salua, et présenta le plus sérieuse-
ment du monde un bout de papier qu'il avait ramassé
dans les environs... et que reconnut le chef...
C'était un papier... une cho^e de blanc... une chose
qu'il fallait respecter...
Une femme était si sage, si intelligente et si ins-
truite que le roi de ce pays lui faisait rendre la jus-
tice et remplir les fonctions de cadi.
On amena devant elle, un jour, deux plaignants :
l'un d'eux avait prêté 100 mithqals à l'autre à la
condition d'avoir le droit de lui couper une once de sa
langue si l'argent n'était pas rendu à la date fixée.
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