Page 84 - Histoires et Contes Arabes - Bibliothèque du bon vivant - 1927 - DZWEBDATA
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HISTOIRES ARABES
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Un Sultan qui aimait particulièrement les femmes
passait son temps avec elles et négligeait les affaires
de l'Etat.
Toutes les nuits s'écoulaient dans les voluptés de
toutes sortes. L'été, sur la terrasse d'un pavillon au
milieu des jardins, le Sultan, entouré de ses concu-
bines, de ses musiciennes, de ses chanteuses, de ses
danseuses, épuisait tous les plaisirs, buvant du vin
de Chypre, faisant brûler les parfums les plus suaves,
écoutant les musiques, repaiisant ses yeux des corps
demi-nus cerclés de bijoux, de bracelets et de cro-
tales. Parfois même étourdi «t surexcité, il se mettait
à danser en personne — ce qui est en Orient tout à
fait shocking pour un homme, à plus forte raison
pour un Sultan — tandi* que les belles esclaves ryth-
maient ses mouvements en frappant dans leurs mains
ou sur les tambours de basque.
Cette orgie cessait chaque nuit un peu avant l'aube,
quand on entendait le muezzin de la mosquée voisine
appeler les croyants à la première prière.
Alors les musiques cessaient, les danses s'arrê-
taient, les lumières s'éteignaient et .chacun allait
dormir.
Mais un jour, le muezzin, arrijé au sommet du
minaret ci se préparant à lancer son appel aux quatre
points cardinaux, aperçut la scène d'orgie, vit le
Sultan en train de danser au milieu de ses femmes.
Ahuri, stupéfait, il resta bouche bée, sans qu'aucun
son pût sortir de sa gorge.
Il resta ainsi jusque vers midi, contemplant, éber-
lué, ce spectacle. Comme le Sultan et ses compagnes
n'entendaient pas son appel, ils continuaient leurs
chants et leurs danses, sans s'apercevoir que l'aube
rosissait le ciel, que le soleil se levait, montait sur
l'horizon, rayonnait au zénith...
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