Page 100 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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mille écus. Grâce à la menace, on fut exact à la céleste conférence.
         Alors le grand Jupiter, assis sur un trône élevé, adresse ce discours à
         l’assemblée :   Dieux conscrits du rôle des Muses, vous savez que c’est
         moi-même qui ai fait l’éducation de ce jouvenceau. Or, j’ai décidé de
         mettre un frein aux emportements de sa jeunesse ardente. Il n’a que
         trop fait parler de lui pour des adultères et des désordres de tous genres.
         Je veux ôter à cette fougue tout prétexte, et la contenir par les chaînes
         de l’hymen. Il a fait choix d’une jeune fille, et lui a ravi sa fleur. Elle
         est sa possession, qu’il la garde : heureux dans ses embrassements,
         qu’il en jouisse à toujours.   Se tournant alors du côté de Vénus : Vous,
         ma fille, dit-il, ne vous affligez pas ; ne craignez pour votre rang ni
         pour  votre  maison  l’injure  d’une  mésalliance.  Il  s’agit  de  nœuds
         assortis, légitimes, et contractés selon les formes du droit.
              Il ordonne aussitôt à Mercure d’enlever Psyché, et de l’introduire
         devant  les  dieux.  Jupiter  présente  à  la  jeune  fille  une  coupe
         d’ambroisie : Prends, Psyché, lui dit-il, et sois immortelle. Cupidon et
         toi, qu’un nœud indestructible vous unisse à jamais.
            Soudain  se  déploie  le  splendide  appareil  des  noces.  Sur  le  lit
         d’honneur, on voyait l’époux tenant dans ses bras sa Psyché ; et, dans
         la  même  attitude,  Jupiter  avec  sa  Junon.  Venaient  ensuite  tous  les
         dieux,  chacun  selon  son  rang.      Le  nectar  circule  (c’est  le  vin  des
         immortels); Jupiter a son jeune berger pour échanson ; Bacchus verse
         rasade au reste de l’assemblée. Vulcain s’était chargé de la cuisine.
         Les  Heures  semaient  partout  les  fleurs  et  les  roses,  les  Grâces
         répandaient  les  parfums,  les  Muses  faisaient  entendre  leurs  voix
         mélodieuses. Apollon chanta en s’accompagnant de la lyre, et les jolis
         pieds  de  Vénus  dessinèrent  un  pas  gracieux,  en  le  réglant  sur  ces
         accords  divins.  Elle-même  avait  ainsi  complété  son  orchestre :  les
         Muses chantaient en chœur, un Satyre jouait de la flûte, un Faune du
         chalumeau.      C’est  ainsi  que  Psyché  fut  unie  à  Cupidon  dans  les
         formes. Une fille naquit de leurs amours : on l’appelle la Volupté.
            Voilà ce que cette vieille radoteuse contait entre deux vins à la belle
         captive.  Et  moi  qui  écoutais  à  quelques  pas  de  là,  je  regrettais
         amèrement de n’avoir ni stylet, ni tablettes, pour coucher par écrit cette
         charmante fiction.   En ce moment, les voleurs rentrent chargés de
         butin. Ils paraissaient avoir soutenu un rude combat ; ce qui n’empêcha



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