Page 105 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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l’emprisonner tout entière, et ne laisser passer que la tête. Puis
exposez-moi cet âne, farci de la sorte et bien recousu, sur quelque
pointe de rocher, aux rayons d’un soleil ardent.
Ce procédé réunit en substance toutes les judicieuses propositions
qui ont été faites contre les deux coupables L’âne y trouve une mort
dès longtemps méritée ; la fille sera de fait livrée aux bêtes, quand les
vers rongeront ses membres : elle subira le supplice du feu, quand
l’ardeur du soleil aura échauffé le cuir de l’animal ; les tortures du
gibet, quand les chiens et les vautours viendront lui arracher les
entrailles. Mais énumérons un peu ce qu’elle aura à souffrir en outre.
Vivante, habiter le ventre d’une bête morte, être suffoquée par cette
infection cadavéreuse, se sentir miner par la faim, et ne pouvoir faire
usage de ses bras pour se donner la mort. À ces mots, tous, sans
déplacement de personne, mais d’une commune voix, accèdent avec
transport à cette proposition. Mes longues oreilles n’en avaient pas
perdu un mot, et je pleurais sur moi-même, qui le lendemain ne devais
plus être qu’un cadavre.
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