Page 106 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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VII






            L’aube avait dissipé les ténèbres, et déjà le char étincelant du soleil
         commençait à illuminer la face de  la terre, quand je vis  arriver un
         homme de la bande ; ce que je reconnus facilement à la manière dont
         on s’aborda.   Le nouveau venu s’assit à l’entrée de la caverne, et, après
         avoir repris haleine, communiqua les détails suivants à ses camarades :
         Tout va bien en ce qui concerne Milon, ce bourgeois d’Hypate que
         nous avons dernièrement dévalisé. Vous savez, braves compagnons,
         que je restai en arrière au moment où vous regagniez notre forteresse,
         après avoir fait chez lui maison nette. Je me mêlai donc aux groupes
         agités  qui  se  formaient  sur  les  lieux,      faisant  semblant  tantôt  de
         m’apitoyer,  tantôt  de  m’indigner  de  l’aventure.  Je  voulais  savoir
         comment  on  informerait  sur  notre  exploit  et  quelle  direction
         prendraient les recherches, le tout afin de vous en faire mon rapport,
         ainsi que vous me l’aviez prescrit.    Des  indices  nombreux, et  qui
         avaient  tous  les  caractères  de  l’évidence,  avaient  fait  réunir  les
         soupçons  sur  un  certain  Lucius ;  et  c’était  lui  qu’on  désignait
         universellement comme ayant dirigé le coup. Cet individu, qui, peu de
         jours avant, s’était donné à Milon pour homme de bien, à l’aide de
         fausses  lettres  de  recommandation,  avait,  disait-on,  réussi  à
         s’introduire fort avant dans ses bonnes grâces.   On l’avait traité en
         hôte, admis dans l’intimité de la famille et retenu plusieurs jours ; ce
         dont le gaillard avait profité pour jouer l’amoureux près de la servante
         et la séduire, examiner de près les serrures, et s’assurer de la position
         des cachettes à argent du maître du logis.
            On citait une particularité significative. La nuit même du vol, ce
         Lucius avait décampé, et on ne l’avait pas revu. De plus, et sans doute
         pour  assurer  sa  retraite  et  se  mettre  plus  tôt  hors  de  la  portée  des
         poursuites, il avait emmené un cheval blanc, sa monture ordinaire.   On
         s’était bien saisi de son domestique, qu’il avait laissé au logis ; et, dans
         l’espoir de quelque révélation, les magistrats l’avaient fait jeter dans
         les  prisons  de  la  ville ;  mais  le  lendemain  on  avait  appliqué  à  la
         question et torturé cet homme presque jusqu’à la mort,   sans tirer de



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