Page 112 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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Le jeune homme reprit alors la parole : Allons, dit-il, offrir un
sacrifice au dieu Mars ; demandons-lui la vente de la jeune fille ainsi
que des recrues ; mais, à ce que je puis voir, nous n’avons pas ici une
seule bête à sacrifier, ni même assez de vin pour en boire à discrétion :
confiez-moi dix de nos hommes ; il ne m’en faut pas plus pour tomber
sur la première bourgade que je rencontrerai, et je vous rapporte de
quoi faire un repas de Saliens. Les voilà bientôt en campagne, tandis
que le reste allume au logis un vaste brasier, et construit en gazon un
autel au dieu de la guerre.
L’expédition ne tarda pas à revenir avec une charge d’outres pleines
de vin, et chassant en avant un troupeau de bétail. On choisit un bouc,
le plus vieux et le plus barbu qu’on put trouver, et on l’immole à Mars
bon Guide et bon Compagnon. Un copieux festin s’apprête : Vous
allez voir, dit alors l’étranger, si je ne sais être votre chef qu’en fait
d’expéditions et de capture, et si j’y vas de main morte quand il s’agit
de vos plaisirs. Voilà mon homme aussitôt à la besogne, et qui la
dépêche avec une aisance merveilleuse : en moins de rien on voit le
sol balayé et jonché, les mets rôtis ou fricassés de main de maître,
dressés avec goût et servis à point ; mais surtout il a soin de multiplier
les rasades et d’abreuver son monde largement. Tout en allant et
venant, sous prétexte de vaquer au service, il visitait fréquemment la
jeune fille, et lui glissait à la dérobée quelque bribe de festin ; ou, d’un
œil brillant de plaisir, il lui offrait à boire dans une coupe où ses lèvres
avaient d’abord trempé. Toutes ces prévenances étaient accueillies
d’un air passionné. Une bouche caressante allait au-devant du baiser
qui lui était destiné, et le rendait avec usure. Ces privautés me
déplaisaient fort. Ah ! jeune fille, disais-je, as-tu donc oublié la foi
promise et cette ardeur mutuelle ! À ce mari que je ne connais point,
mais qu’ont choisi tes parents, peux-tu préférer un coureur de grands
chemins, un coupe-jarrets ? Quoi ! sans remords, foulant aux pieds
tout sentiment, tu te prostitues ainsi de gaieté de cœur au milieu des
lances et des épées ? Et si le reste de la troupe avait le moindre soupçon
de votre intelligence… ? derechef on aurait recours au pauvre âne, au
risque de ce qui peut lui en revenir. Ah ! c’est trop se jouer de ma peau.
Tandis qu’un sentiment d’indignation m’entraînait ainsi aux
suppositions les plus injustes, quelques demi-mots, faciles à
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