Page 128 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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insidieux, se glisse, le cœur palpitant, dans le mystérieux réduit. La
vieille, fidèle aux ordres de sa maîtresse, se montre aux petits soins.
Elle apporte, d’un air discret, une amphore et des coupes. On avait
mêlé au vin une drogue soporifique. Tandis qu’il boit à longs traits, la
rusée parle de soins donnés par sa maîtresse à son père malade : c’est
la cause qui la retient. La sécurité de Thrasylle est entière, et bientôt il
tombe en un sommeil profond. Voilà Thrasylle étendu sans
mouvement, et sa personne livrée à toutes les entreprises. Charité
avertie accourt. Ce n’est plus une femme. Elle s’empare de sa proie,
en frémissant de rage. Debout près du corps de l’assassin :
Le voilà donc, dit-elle, ce fidèle ami ! le voilà cet honnête
chasseur ! le voilà ce précieux époux ! c’est là cette main qui répandit
mon sang ! ce cœur où tant de trames s’ourdirent pour ma perte ! Ces
yeux à qui j’ai eu le malheur de plaire, les voilà faisant connaissance
avec les ténèbres, avant-goût de ce qui les attend. Dors bien, berce-
toi d’heureux songes ; ce n’est ni le glaive ni le fer qui me feront raison
de toi. Aux dieux ne plaise que je t’assimile en rien à mon mari, même
par le genre de mort ! Tu vivras, tes yeux mourront ; tu ne verras plus
rien, si ce n’est en songe. Douce te semblera la mort de ta victime,
auprès de la vie que je t’aurai faite. Dis adieu au jour. Plus un pas
pour toi sans une main qui te guide ; plus de Charité, plus d’hymen.
La mort, moins le repos ; la vie, sans ses jouissances ; voilà ton lot.
Va-t’en errer, douteux simulacre, entre la lumière du soleil et la nuit de
l’Érèbe. Vainement chercheras-tu la main qui a détruit ta prunelle ; et,
pour combler la mesure de tes maux, tu ne sauras à qui t’en prendre.
Moi, du sang de tes yeux, j’irai faire une libation sur le tombeau de
mon Tlépolème, et je les offrirai à ses mânes sacrés comme victime
expiatoire. Mais chaque instant qui s’écoule me fait tort d’une de tes
souffrances. Et peut-être en ce moment rêves-tu le plaisir dans mes
bras : elles sont mortelles, mes faveurs ! Allons, passe de la nuit du
sommeil à la nuit de ton châtiment. Lève ta face vide de lumière, sens
ma vengeance, comprends ton infortune, compte tes souffrances. Voilà
tes yeux comme ma pudeur les aime ; ils seront les flambeaux de ta
couche nuptiale. Ajoutez-y les Furies pour témoins, et, pour assistants
de noces, la cité et l’incessante torture de ta conscience.
Après cette imprécation, elle tire une aiguille à coiffer de sa
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