Page 183 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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représentant cet Ida rendu si célèbre par les chants d’Homère. Du
sommet couronné d’arbres verts, l’art du décorateur avait fait jaillir
une source vive, dont l’onde ruisselait le long des flancs de la
montagne. Quelques chèvres y broutaient l’herbe tendre ; et, pour
figurer le berger phrygien, un jeune homme, en costume magnifique,
avec un manteau de coupe étrangère flottant sur ses épaules, et le front
ceint d’une tiare d’or, semblait donner ses soins à ce troupeau. Un bel
enfant paraît ; il est entièrement nu, sauf la chlamyde d’adolescent
attachée sur son épaule gauche. Tous les yeux se fixent sur sa blonde
chevelure, dont les boucles laissent percer deux petites ailes d’or
parfaitement semblables. À sa baguette en forme de caducée, on a
reconnu Mercure. Il s’avance en dansant, une pomme d’or à la main,
la remet au représentant de Pâris, lui annonçant par sa pantomime les
intentions de Jupiter, et se retire après un pas gracieux. Arrive une
jeune fille que ses traits majestueux ont désignée pour le rôle de Junon.
Son front est ceint d’un blanc diadème, et le sceptre est dans sa main.
Après elle, une autre nymphe fait une entrée brusque. Le casque
étincelant dont elle est coiffée et que surmonte une couronne d’olivier,
l’égide qu’elle porte, la lance qu’elle brandit, toute son attitude de
guerrière, ont fait nommer Minerve.
Enfin paraît une troisième beauté. À ses formes incomparables, à
cette grâce de mouvements, au divin coloris qui anime ses traits, on ne
peut méconnaître Vénus. Aucun voile ne dérobe à l’œil les perfections
de ce corps adorable, si ce n est une soie transparente négligemment
jetée sur ses charmes les plus secrets ; encore Zéphyr soufflait-il
alors, et l’indiscret de son haleine amoureuse, tantôt soulevant le léger
tissu, laissait entrevoir le bouton de la rose naissante ; et, tantôt, se
collant sur le nu, en dessinait les voluptueux contours. Deux couleurs
frappent l’œil à l’aspect de la déesse. L’albâtre de sa peau montre en
elle la fille des cieux, et l’azur de son vêtement rappelle la fille de la
mer. Pour compléter l’illusion, chaque déesse a son cortège
significatif. Derrière Junon, deux jeunes acteurs figurent Castor et
Pollux. Ils sont coiffés de casques dont le cimier brille d’étoiles, et
rappellent, par leur forme oblongue, l’oeuf dont les jumeaux sont
sortis. La déesse s’avance au son de la flûte mélodieuse. Sa démarche
est noble et simple. Par une pantomime aussi naturelle qu’expressive,
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