Page 61 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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d’adroites démonstrations de férocité, il avait soin de tenir les curieux
à distance. On ne s’entretenait dans la ville que de l’heureuse étoile
de Démocharès, que cette bonne aubaine dédommageait du désastre
de sa ménagerie, et mettait en mesure de faire face à tout. Mais voici
Démocharès qui tout à coup donne l’ordre d’emmener l’ours dans une
de ses terres, en recommandant le plus grand soin dans le transport.
Il n’y avait pas à barguigner. Seigneur, lui dis-je bien vite, cette bête
est déjà fatiguée de la chaleur et du long voyage qu’elle vient de faire ;
je ne tous conseille pas de la mettre en contact avec les autres ours, qui
sont assez mal portants, dit-on. Que ne lui assignez-vous ici quelque
emplacement assez vaste, bien aéré, dans le voisinage des bois et de
l’eau, s’il est possible ? Ces animaux, vous le savez, hantent de
préférence les fourrés et les cavernes humides. Il leur faut l’air frais
des collines et des eaux pures. Démocharès eut peur, il récapitula ses
pertes, fut docile à l’avis, et nous permit de placer la cage à notre guise.
Disposez de nous tous, ajoutai-je, pour passer la nuit devant la cage.
L’animal a souffert de la chaleur et de la contrainte ; avec nous qui
connaissons ses besoins, il aurait plus sûrement sa nourriture à propos,
et à boire à ses heures. Il est inutile que vous preniez cette peine,
répondit Démocharès ; les gens de cette maison sont tous rompus au
service des ours.
Là-dessus nous nous inclinons, et nous voilà partis. Nous sortîmes
des portes de la ville, et, assez loin de la route, nous aperçûmes un
cimetière dans une position reculée et hors de vue. Il s’y trouvait
quantité de cercueils minés par le temps, et dont la décrépitude laissait
presque à découvert des ossements qui n’étaient déjà plus que cendre
et poussière. Nous en ouvrîmes au hasard quelques-uns, que nous
destinâmes à receler notre futur butin. Là, nous attendîmes, suivant
la règle, le bon moment de la nuit, l’heure où il n’y a pas de lune, et
où chacun dort du premier somme, d’ordinaire si fort et si profond.
Notre troupe, l’arme au poing, fait déjà faction à la porte de
Démocharès. Nul ne manque à l’appel du pillage. De son côté,
Thrasyléon, non moins vigilant, sort à point de sa cage, poignarde l’un
après l’autre ses gardiens à moitié assoupis, dépêche également le
portier, s’empare de la clef et ouvre les deux battants. On n’eut garde
de s’amuser à la porte ; nous voilà dans la maison. Il nous montre un
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