Page 66 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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mutuellement engagé notre foi par une promesse de mariage. Déjà le
         titre de mon époux lui était conféré par l’aveu de ma famille et par les
         actes publics. Entouré d’un nombreux cortège de parents et d’alliés, il
         préludait à notre union, en offrant dans tous les temples des sacrifices
         aux dieux. Notre maison, tapissée de laurier, resplendissait des feux,
         résonnait des chants d’hyménée.   Ma pauvre mère, tenant sa fille sur
         ses genoux, ajustait ma parure nuptiale, couvrait mon front de baisers,
         et déjà, au gré de ses vœux ardents, se voyait renaître en espoir dans
         une postérité nombreuse ;   quand l’irruption soudaine d’une troupe de
         gens armés tout à coup fait briller à nos yeux des épées nues, et effraye
         toute  la  maison  par  les  démonstrations  les  plus  menaçantes.  Ils
         s’abstiennent toutefois de tuer ou de piller ; mais, formés en colonnes
         serrées, ils se précipitent dans notre appartement.   Aucun des nôtres
         ne songe à les repousser, ou seulement à se mettre en défense. Éperdue
         et tremblante, je m’évanouis sur le sein de ma mère. Ils vinrent m’en
         arracher. C’est ainsi que comme celles d’Athrax et de Protésilas, nos
         noces se changèrent en une scène de trouble et de désolation.
            Tout à l’heure un songe affreux renouvelait pour moi ces images
         cruelles, et mettait le comble à mon désastre.   Je me voyais arrachée
         violemment de la maison, de la chambre et même du lit nuptial. On
         m’entraînait dans un affreux désert, et j’implorais à grands cris le nom
         de  mon  époux  infortuné.      Lui,  il  ne  s’aperçoit  pas  plutôt  de  mon
         enlèvement  que,  tout  couvert  de  parfums,  et  la  couronne  de  fleurs
         encore  sur  la  tête,  il  se  met  à  courir  après  moi  qu’on  emportait.
         Désespéré du rapt de sa femme, il implorait à grands cris le secours de
         la force publique, quand un des ravisseurs, outré de cette poursuite
         opiniâtre, ramasse un énorme pavé, et en frappe mortellement mon
         jeune et malheureux époux. Le saisissement que m’a causé ce rêve
         épouvantable a mis fin à mon funeste sommeil.
              La vieille alors, entrant dans son chagrin, lui parle ainsi : Courage,
         maîtresse ! ne nous laissez pas aller aux vaines terreurs un songe. Les
         images  produites  par  le  sommeil  du  jour  sont,  dit-on,  tout-à-fait
         insignifiantes ; et le plus souvent, des rêves que l’on fait la nuit, c’est
         le contre-pied qu’il faut prendre.   Pleurer, être battu et quelquefois
         être assassiné, c’est présage de gain et de réussite ;   tandis que rire, se
         bourrer de friandises, goûter le plaisir d’amour, sont tous signes de



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