Page 68 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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de lui jeter des fleurs et de lui adresser des œuvre. Cette impertinente
attribution des honneurs divins à une simple mortelle alluma le plus
violent dépit dans le cœur de la Vénus véritable. Ne pouvant contenir
son indignation, elle secoue en frémissant la tête, et, du ton d’une
fureur concentrée : (IV, 30, 1) Quoi ! se dit-elle, à moi, Vénus, principe
vivifiant de toutes choses, d’où procèdent les éléments de cet univers,
à moi, l’âme de la nature, une souveraineté partagée avec une fille des
hommes ! Mon nom, si grand dans le ciel, là-bas serait profané par un
caprice humain ! Il ferait beau me voir avec cette divinité en commun,
ces honneurs de seconde main ! attendant des vœux qui pourraient se
tromper d’adresse ! Une créature périssable irait promener sur la terre
l’image prétendue de Vénus ! Vainement donc, par une sentence dont
le grand Jupiter lui-même a reconnu la justice, le fameux berger de
l’Ida aura proclamé ma prééminence en beauté sur deux des premières
déesses ! et l’usurpatrice de mes droits jouirait en paix de son
triomphe ! Non, non ; elle payera cher cette insolente beauté.
Aussitôt elle appelle son fils, ce garnement ailé qui ne respecte ni
morale, ni police, qui se glisse chez les gens comme un voleur de nuit,
avec ses traits et son flambeau, cherchant partout des ménages à
troubler, du mal à faire, et ne s’avisant jamais du bien. Le vaurien
n’est que trop enclin à nuire ; sa mère vient encore l’exciter. Elle le
conduit à la ville en question, lui montre Psyché (c’était le nom de la
jeune princesse), et de point en point lui fait l’historique de l’odieuse
concurrence qu’on ose faire à sa mère. Elle gémit, elle pleure de rage :
Mon fils, dit-elle, je t’en conjure, au nom de ma tendresse, par les
douces blessures que tu fais, par cette flamme pénétrante dont tu
consumes les cœurs, venge ta mère ; mais venge-la pleinement, que
cette audacieuse beauté soit punie. C’est la grâce que je te demande et
qu’il faut m’accorder : avant tout, qu’elle s’enflamme d’une passion
sans frein pour quelque être de rebut ; un misérable qui n’ait honneur,
santé, feu ni lieu, et que la fatalité ravale au dernier degré d’abjection
possible sur la terre.
Vénus dit, et de ses lèvres demi-closes presse ardemment celles de
son fils ; puis, gagnant le rivage, s’avance vers un flot qui vient au-
devant d’elle. De ses pieds de rose, elle effleure le dos des vagues, et
s’assied sur son char qui roule au-dessus de l’abîme. À peine elle en
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