Page 70 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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Quand l’oracle eut ainsi parlé, le monarque, autrefois heureux
père, revint fort triste sur ses pas, et avec assez peu d’empressement
de revoir sa famille. Cependant il se décide à faire part à la reine de
l’ordre du destin. Pendant plus d’un jour on gémit, on pleure, on se
lamente ; mais il faut se soumettre à l’arrêt fatal. Déjà se font les
apprêts de l’hymen lugubre. Le flambeau nuptial jette une flamme
noirâtre, et se charbonne au lieu de briller ; la flûte zygienne ne donne
que les notes dolentes du mode lydien ; on entonne un chant
d’hyménée qui se termine en hurlements lamentables. La jeune fille
essuie ses larmes avec son voile de mariage. La fatalité qui
s’appesantit sur cette maison excite la sympathie de toute la ville. Un
deuil public est proclamé.
Mais l’ordre du ciel n’en appelle pas moins la victime au supplice
inévitable ; le lugubre cérémonial se poursuit au milieu des larmes, et
la pompe funèbre d’une personne vivante s’achemine, escortée d’un
peuple entier. Psyché assiste non plus à ses noces, mais à ses
obsèques ; et tandis que le désespoir des auteurs de ses jours hésite à
consommer l’affreux sacrifice, elle les encourage en ces mots :
Pourquoi noyer dans des pleurs sans fin votre vieillesse infortunée ?
Pourquoi épuiser par vos sanglots le souffle qui vous anime, et qui
m’appartient aussi ? Pourquoi ces inutiles larmes qui déforment vos
traits vénérables ? vos yeux qu’elles brûlent sont à moi. Cessez
d’arracher vos cheveux blancs, cessez de meurtrir, vous, votre poitrine
auguste, et vous, ces saintes mamelles qui m’ont nourrie. Voilà donc
tout le fruit que vous aurez recueilli de ma beauté ! Hélas ! frappés à
mort par le ressentiment d’une divinité jalouse, trop tard vous en
sentez le coup. Quand les peuples et les nations me rendaient les
divins honneurs, quand un concert universel me décernait le nom de
seconde Vénus ; ah ! c’était alors qu’il fallait gémir et pleurer sur moi,
car, dès ce moment, votre fille était morte pour vous. Oui, je le vois, je
le sens, c’est ce nom de Vénus qui m’a perdue. Allons, qu’on me
conduise à ce rocher où mon sort veut que je sois exposée. Il me tarde
de conclure ce fortuné mariage, de voir ce noble époux à qui je suis
destinée. Pourquoi différer ? A quoi bon éviter l’approche de celui qui
naquit pour la ruine de l’univers entier ?
Ainsi parle la jeune fille. Puis, sans un mot de plus, elle se mêle
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