Page 73 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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ni gardien quelconque. Tandis que Psyché ne peut se rassasier de cette
contemplation, une voix invisible vient frapper son oreille : Pourquoi
cet étonnement, belle princesse ? Tout ce que vous voyez est à vous.
Voilà des lits qui vous invitent au repos, des bains à choisir. Les voix
que vous entendez sont vos esclaves : disposez de nos services
empressés. Un royal banquet va vous être offert, après les premiers
soins de la personne, et ne se fera pas attendre.
Psyché vit bien qu’elle était devenue l’objet d’une sollicitude toute
divine. Docile aux avis du conseiller invisible, elle se met au lit ; puis
elle entre dans un bain, dont l’influence eut bientôt dissipé toute
fatigue. Une table en hémicycle se dresse auprès d’elle. C’est son
dîner sans doute qu’on va servir : sans façon elle y prend place. Les
vins les plus délicieux, les plats les plus variés et les plus succulents
se succèdent en abondance. Nul serviteur ne paraît. Tout se meut
comme par un souffle. Psyché ne voit personne ; elle entend seulement
des voix : ce sont ces voix qui la servent. Après un repas délectable,
un invisible musicien se met à chanter, un autre joue de la lyre : on ne
voit ni l’instrument ni l’artiste. Un concert de voix se fait entendre ;
c’est l’exécution d’un chœur sans choristes.
Enfin, au milieu de tant de plaisirs, le soir vient ; et Psyché, que
l’heure invite au repos, se retire dans son appartement. Déjà la nuit
avançait ; un bruit léger vient frapper son oreille : la jeune vierge
s’inquiète alors de sa solitude. Sa pudeur s’alarme, elle frémit, elle
craint d’autant plus qu’elle ignore ; mais déjà l’époux mystérieux est
entré, il a pris place, et Psyché est devenue sa femme. Aux premiers
rayons du jour il a disparu. Aussitôt les voix sont là pour prêter leur
ministère à l’épouse d’une nuit et panser de douces blessures. Le temps
s’écoule cependant, et chaque nuit ramène la même scène. Par un
effet naturel, Psyché commence à se faire à cette singulière existence ;
l’habitude lui en semble douce ; et le mystère de ces voix donne de
l’intérêt à sa solitude.
Cependant les malheureux parents usaient leurs vieux jours dans
une douleur sans fin. L’aventure de Psyché avait fait du bruit, et la
renommée l’avait fait parvenir aux oreilles de ses sœurs aînées. Toutes
deux, le cœur serré, et la douleur peinte sur le visage, avaient quitté
leurs foyers, empressées d’aller chercher la présence et l’entretien de
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