Page 79 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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va droit au rocher, en franchit la hauteur d’une traite ; et toutes deux,
au hasard de ne pas trouver de vent pour les porter, se lancent
aveuglément dans l’espace : mais Zéphyr est là, prêt à exécuter, bien
qu’à contrecœur, les ordres de son maître. Son souffle les reçoit, et les
dépose mollement sur le sol de la vallée. Aussitôt elles précipitent
leurs pas vers le palais. Elles embrassent déjà leur proie, et la saluent
effrontément du nom de sœur ; elles l’accablent de cajoleries : Psyché
n’est pas une petite fille à cette heure ; la voilà bientôt mère. Sais-tu
ce que nous promet cette jolie petite rotondité ? Quelle joie pour notre
famille ! oh ! que nous allons être heureuses de choyer ce petit trésor !
Si (ce que nous ne pouvons manquer de voir) sa beauté répond à celle
des auteurs de ses jours, ce sera un vrai Cupidon.
Enfin elles jouent si bien la tendresse, qu’insensiblement le cœur
de Psyché se laisse prendre à la séduction. Elle les fait asseoir, pour
reposer leurs jambes de la fatigue du voyage. Puis, la vapeur d’un bain
chaud ayant achevé de les remettre, elle leur fait servir sur une table
magnifique les mets les plus recherchés et les plus exquis. Psyché
veut un air de lyre, et les cordes vibrent ; un air de flûte, et la flûte
module ; un chœur de voix, et les voix de chanter en partie. Aucun
musicien n’a paru, et les oreilles sont charmées par la plus suave
harmonie : mais l’âme des deux mégères est à l’épreuve des
attendrissements de la musique, et elles n’en songent pas moins à
enlacer leur sœur dans leurs traîtres filets. Avec une indifférence
apparente, elles lui demandent quel air a son mari ? quelle est son
origine et sa famille ? La pauvre Psyché avait oublié sa réponse
précédente ; elle fit un nouveau conte. Son mari était d’une province
voisine ; il faisait valoir par le négoce un capital considérable ; c’était
un homme de moyen âge, et dont les cheveux commençaient à
grisonner. Là-dessus, coupant court à toute information, elle les
comble de nouveau des plus riches présents, et leur fait reprendre leur
route aérienne.
Tandis que la douce haleine de Zéphyr les voiturait vers leurs
demeures, les deux sœurs s’entretenaient ainsi, tout en cheminant par
les airs : Eh bien ! ma sœur, cette imprudente nous a-t-elle débité
d’assez grossiers mensonges ? L’autre jour, c’était un adolescent,
dont un poil follet ombrageait à peine le menton ; maintenant c’est un
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