Page 84 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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violée, et, sans dire un seul mot, il va fuir à tire d’aile les regards et les
embrassements de son épouse infortunée.
Mais au moment où il se lève, Psyché saisit à bras-le-corps sa jambe
droite, s’y cramponne, le suit dans son essor, tristement suspendue à
lui jusqu’à la région des nuages ; et lorsqu’enfin la fatigue lui fait
lâcher prise, elle tombe sans mouvement par terre. Cupidon attendri
répugne à l’abandonner en cet état : il vole sur un cyprès voisin ; et
d’une voix profondément émue : Trop crédule Psyché, dit-il, pour
vous j’ai enfreint les ordres de ma mère. Au lieu de vous avilir, comme
elle le voulait, par une ignoble passion, par un indigne mariage, je me
suis moi-même offert à vous pour amant. Imprudent ! je me suis, moi,
si habile archer, blessé d’une de mes flèches, j’ai fait de vous mon
épouse. Et tout cela, pour me voir pris pour un monstre, pour offrir ma
tête au fer homicide, sans doute parce qu’il s’y trouve deux yeux trop
épris de vos charmes. J’ai tout fait pour tenir votre prudence éveillée.
Ma tendresse a prodigué les avertissements ; mais sous peu j’aurai
raison de vos admirables conseillères et de leurs funestes insinuations.
Quant à vous, c’est en vous fuyant que je veux vous punir. En achevant
ces mots, il se lance en oiseau dans les airs.
Psyché prosternée sur la terre suivit longtemps des yeux son époux
dans l’espace, tout en le rappelant par ses cris lamentables ; et quand
un vol rapide l’eut élevé à perte de vue, elle se lève, et court se
précipiter dans un fleuve voisin : mais le fleuve eut compassion de
l’infortunée, et, par respect pour le dieu qui fait enflammer même les
ondes, par crainte peut-être, il la soulève sur ses flots, et la dépose
pleine de vie sur le gazon fleuri de ses rivages.
Le rustique dieu Pan se trouvait là par hasard, assis sur la berge. Il
tenait entre ses mains ces roseaux qui furent jadis la nymphe Canna,
et les faisait résonner sur tous les tons ; son troupeau capricieux
folâtrait, en broutant çà et là l’herbe du rivage. Le dieu chèvre-pied,
apercevant la belle affligée, dont l’aventure ne lui était pas inconnue,
l’invite à s’approcher, et lui adresse quelques mots de consolation :
Ma belle enfant, je ne suis qu’un gardeur de chèvres, un peu rustre, il
est vrai, mais j’ai beaucoup vécu et acquis raisonnablement
d’expérience ; or, si je sais bien former mes conjectures (ce que les
gens de l’art appellent être devin), cette démarche égarée et
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