Page 85 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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chancelante, cette pâleur universelle, ces continuels soupirs, et surtout
ces yeux noyés dans les larmes, tout cela me dit que vous souffrez du
mal d’amour. Croyez-en mon conseil, renoncez à chercher la mort
dans les flots ou par toute autre voie ; séchez vos pleurs, défaites-vous
de cet air chagrin, offrez vos prières avec ferveur au grand dieu
Cupidon, et, comme c’est un enfant gâté, sachez le prendre et flatter
ses fantaisies.
Ainsi parla le dieu pasteur. Psyché ne répondit rien ; elle s’inclina
devant le dieu, et se mit en marche. Après avoir longtemps et
péniblement erré à l’aventure, elle se trouve dans un sentier en pente,
qui la mène inopinément à la ville où régnait le mari d’une de ses
sœurs. Aussitôt qu’elle en fut informée, elle fait annoncer sa venue.
Elle est introduite, et, après les baisers et les politesses d’usage, on lui
demande son histoire. Psyché commence ainsi : Il vous souvient du
conseil que vous me donnâtes, d’accord avec notre autre sœur. Abusée,
disiez-vous, par un monstre qui venait, se donnant pour mari, passer
les nuits avec moi, il fallait, sous peine de servir de pâture à cette bête
vorace, le frapper d’un poignard à deux tranchants, et j’y étais bien
décidée ; mais lorsque, toujours par votre conseil, j’approchai la
lampe qui devait me découvrir ses traits, quel divin spectacle vint
s’offrir à mes regards charmés ! c’était le fils de la déesse Vénus,
Cupidon lui-même, endormi d’un paisible sommeil. Éperdue, ivre de
volupté, je cédais au délire de mes sens. Tout à coup, ô douleur ! une
goutte d’huile brûlante tombe sur son épaule ; il se réveille en sursaut ;
et, voyant dans mes mains le fer et la flamme : Va, me dit-il, ton crime
est impardonnable. Sors à jamais de mon lit ; plus rien de commun
entre nous. C’est ta sœur (et il prononça votre nom) que je veux
désormais pour épouse. Il dit, et, sur son ordre, le souffle de Zéphyr
me transporte hors du palais.
Psyché n’avait pas fini de parler, qu’enivrée du succès de sa ruse,
sa sœur brûle d’en recueillir les coupables fruits. Pour tromper son
mari, elle feint qu’on vient de lui apprendre la mort de ses parents,
s’embarque en toute hâte, et fait voile vers le rocher. Zéphyr ne
soufflait pas alors ; mais, dans l’espoir qui l’aveugle : Cupidon, dit-
elle, reçois une épouse digne de toi ; et toi, Zéphyr, soutiens ta
souveraine ! Et soudain elle s’élance de plein saut. Mais elle ne peut
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