Page 93 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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Vénus livre Psyché à leurs mains cruelles. Suivant l’ordre qu’elles ont
reçu, elles la frappent de verges, la torturent de mille manières, puis la
ramènent en présence de leur maîtresse.
Vénus se mit de nouveau à rire. Oh ! voici, dit-elle, un gros ventre
bien fait pour me disposer à la commisération. Cette belle progéniture
va faire de moi une si heureuse grand-mère ! Grand-mère ! n’est-ce
pas bien réjouissant de s’entendre donner ce nom, et d’avoir pour petit-
fils l’enfant d’une vile servante ? Mais je suis folle, en vérité,
d’appeler cela mon fils. Ce mariage disproportionné, consommé dans
une campagne, sans témoins, sans le consentement du père, ne saurait
être légitime. Le marmot sera bâtard, supposé que je lui donne le temps
de naître.
En proférant ces mots, elle s’élance sur la pauvre Psyché, met sa
robe en pièces, lui arrache les cheveux, et lui meurtrit de coups la tête.
Ensuite elle se fait apporter du froment, de l’orge, du millet, de la
graine de pavots, des pois, des lentilles et des fèves. Elle mêle et
confond le tout, et s’adressant à sa victime : Une servante, une
créature si disgraciée doit être une habile personne pour avoir su se
faire si bien venir. Eh bien ! je veux essayer ton savoir faire. Tu vois
cet amas de graines confondues ? tu vas me trier tout, séparer chaque
espèce, et en faire autant de tas. Je te donne jusqu’à ce soir pour
m’expédier cette tâche. Et, après lui avoir taillé cette belle besogne,
la déesse sort pour se rendre à un repas de noces.
Psyché ne songe pas même à mettre la main à ce chaos inextricable.
Elle reste immobile et stupéfaite d’une exigence aussi extravagante.
Alors la fourmi, chétive habitante des champs, qui pouvait si bien
apprécier la difficulté d’une semblable tâche, prend en pitié l’épouse
d’un dieu, qu’elle y voit impitoyablement condamnée. Tout indignée
de cet acte de marâtre, elle court convoquer le ban des fourmis de son
quartier. Soyez compatissantes, filles alertes de la terre ; vite au
travail ! une femme aimable, l’épouse de l’Amour, a besoin de vos
bons offices. Aussitôt la gent aux mille pieds de se ruer, de se
trémousser par myriades. En un clin d’œil tout cet amas confus est
divisé, classé par espèces, distribué en autant de tas distincts ; et zeste,
tous les travailleurs ont disparu.
Vers le soir, Vénus revient de la fête, échauffée par les rasades,
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