Page 94 - L'ane d'Or - auteur : APULEE- Libre de droit
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arrosée de parfums et couverte de guirlandes de roses. Elle voit avec
         quel  soin  merveilleux  la  tâche  a  été  remplie :      Ce  n’est  pas  toi,
         coquine, cria-t-elle, qui as fait cette besogne. J’y reconnais la main de
         celui à qui tu as trop plu, pour ton malheur et pour le sien. Là-dessus,
         elle jette à Psyché un morceau de pain, et va se mettre au lit.
              Cependant Cupidon, confiné au fond du palais, y subissait une
         réclusion  sévère.  On  craint  qu’il  n’aggrave  sa  blessure  par  son
         agitation turbulente : surtout, on veut le séquestrer de celle qu’il aime.
         Ainsi séparés, bien que sous le même toit, les deux amants passèrent
         une nuit cruelle.   Le char de l’Aurore se montrait à peine, que Vénus
         fit venir Psyché, et lui dit : Vois-tu ce bois bordé dans toute sa longueur
         par une rivière   dont les eaux sont déjà profondes, bien qu’encore
         voisines de leur source ? Un brillant troupeau de brebis à la toison
         dorée y paît, sans gardien, à l’aventure : il me faut à l’instant un flocon
         de leur laine précieuse. Va, et fais en sorte de me le rapporter sans
         délai.
            Psyché court, vole ; non pour accomplir l’ordre de la déesse, mais
         pour mettre un terme à ses maux dans les eaux du fleuve. Or, voici
         que, de son lit même, un vert roseau, doux organe d’harmonie, inspiré
         tout à coup par le vent qui l’agite et qui murmure, se met à prophétiser
         en ces termes :   Pauvre Psyché, déjà si rudement éprouvée, garde-toi
         de souiller par ta mort la sainteté de mes ondes, et n’approche pas du
         formidable troupeau qui paît sur ce rivage.   Tant que le soleil de midi
         darde ses rayons, ces brebis sont possédées d’une espèce de rage. Tout
         mortel alors doit redouter les blessures de leurs cornes acérées, le choc
         de leur front de pierre, et la morsure de leurs dents venimeuses ;   mais
         une fois que le méridien aura tempéré l’ardeur de l’astre du jour, que
         les brises de la rivière auront rafraîchi le sang de ces furieux animaux,
         tu pourras sans crainte gagner ce haut platane nourri des mêmes eaux
         que moi, et trouver sous son feuillage un sûr abri.   Alors tu n’auras,
         pour te procurer de la laine d’or, qu’à secouer les branches des arbres
         voisins,  où  elle  s’attache  par  flocons.  Ainsi  le  bon  roseau  faisait
         entendre  à  Psyché  de  salutaires  conseils.  Elle  y  prêta  une  oreille
         attentive,  et  n’eut  pas  lieu  de  s’en  repentir ;  car,  en  suivant  ses
         instructions, elle eut bientôt fait sa collecte furtive, et retourna vers
         Vénus, le sein rempli de cet or amolli en toison.



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