Page 37 - Les Mile et une nuits - conte orientale libre de droit, par DZWEBDATA.COM
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ferai le malade, et feindrai d’être aux
abois.
- Gardez-vous-en bien, interrompit
l’âne, ce serait le moyen de vous
perdre : car, en arrivant ce soir, j’ai
ouï dire au marchand, notre maître, une
chose qui m’a fait trembler pour vous.
- Hé ! qu’avez-vous entendu ? dit le
bœuf ; ne me cachez rien, de grâce, mon
cher l’Éveillé.
- Notre maître, reprit l’âne, a dit au
laboureur ces tristes paroles : «
Puisque le bœuf ne mange pas,et qu’il
ne peut se soutenir, je veux qu’il soit
tué dès demain.
Nous ferons, pour l’amour de Dieu, une
aumône de sa chair aux pauvres ; et
quant à sa peau, qui pourra nous être
utile, tu la donneras au corroyeur ; ne
manque donc pas de faire venir le
boucher. » Voilà ce que j’avais à vous
apprendre, ajouta l’âne ; l’intérêt que
je prends à votre conservation, et
l’amitié que j’ai pour vous, m’obligent
à vous en avertir et à vous donner un
nouveau conseil : d’abord qu’on vous
apportera vos fèves et votre paille,
levez-vous, et vous jetez dessus avec
avidité ; le maître jugera par là que
vous êtes guéri, et révoquera, sans
doute, votre arrêt de mort ; au lieu
que si vous en usez autrement, c’est
fait de vous. »