Page 60 - Les Mile et une nuits - conte orientale libre de droit, par DZWEBDATA.COM
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« Je vais donc, reprit le vieillard,
              commencer mon récit : écoutez-moi, je
              vous prie, avec attention. Cette biche
              que vous voyez est ma cousine, et de
              plus, ma femme. Elle n’avait que douze
              ans quand je l’épousai : ainsi je puis
              dire qu’elle ne devait pas moins me
              regarder comme son père, que comme son
              parent et son mari.
               « Nous avons vécu ensemble trente
              années sans avoir eu d’enfants ; mais
              sa stérilité ne m’a point empêché
              d’avoir pour elle beaucoup de
              complaisance et d’amitié. Le seul désir
              d’avoir des enfants me fit acheter une
              esclave, dont j’eus un fils qui
              promettait infiniment. Ma femme en
              conçut de la jalousie, prit en aversion
              la mère et l’enfant, et cacha si bien
              ses sentiments, que je ne les connus
              que trop tard.
               « Cependant mon fils croissait, et il
              avait déjà dix ans, lorsque je fus
              obligé de faire un voyage. Avant mon
              départ, je recommandai à ma femme, dont
              je ne me défiais point, l’esclave et
              son fils, et je la priai d’en avoir
              soin pendant mon absence, qui dura une
              année entière.
              « Elle profita de ce temps-là pour
              contenter sa haine. Elle s’attacha à la
              magie, et quand elle sut assez de cet
              art diabolique pour exécuter l’horrible
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