Page 63 - Les Mile et une nuits - conte orientale libre de droit, par DZWEBDATA.COM
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en des régals et des aumônes à qui vous
voudrez ; et si vous avez un veau bien
gras, amenez-le moi à sa place. » Je ne
m’informai pas de ce qu’il fit de la
vache ; mais peu de temps après qu’il
l’eut fait enlever de devant mes yeux,
je le vis arriver avec un veau fort
gras. Quoique j’ignorasse que ce veau
fût mon fils, je ne laissai pas de
sentir émouvoir mes entrailles à sa
vue. De son côté, dès qu’il m’aperçut,
il fit un si grand effort pour venir à
moi, qu’il en rompit sa corde. Il se
jeta à mes pieds, la tête contre la
terre, comme s’il eût voulu exciter ma
compassion et me conjurer de n’avoir
pas la cruauté de lui ôter la vie, en
m’avertissant, autant qu’il lui était
possible, qu’il était mon fils.
« Je fus encore plus surpris et plus
touché de cette action, que je ne
l’avais été des pleurs de la vache. Je
sentis une tendre pitié qui m’intéressa
pour lui ; ou, pour mieux dire, le sang
fit en moi son devoir. » Allez, dis-je
au fermier, ramenez ce veau chez vous.
Ayez-en un grand soin ; et à sa place,
amenez-en un autre incessamment. »
« Dès que ma femme m’entendit parler
ainsi, elle ne manqua pas de s’écrier
encore : « Que faites-vous, mon mari ?
Croyez-moi, ne sacrifiez pas un autre
veau que celui-là.