Page 100 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
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de leurs actions. Je n'ai point étudié l'art littéraire des
Grecs, me souciant peu de l'apprendre, puisqu'il n'a pas
rendu plus vertueux ceux qui l'enseignaient. Mais j'ai
appris des choses bien autrement utiles à la république : à
frapper l'ennemi, à garder un poste, à ne rien craindre que
le déshonneur, à endurer également le froid et le chaud, à
coucher sur la dure, à supporter à la fois la faim et la
fatigue. Voilà par quelles leçons j'instruirai les soldats : on
ne me verra pas les faire vivre dans la gêne, et vivre, moi,
dans l'abondance. Je ne fonderai pas ma gloire sur leurs
travaux. Ainsi le commandement se montre tutélaire, ainsi
doit-il s'exercer entre concitoyens car se livrer à la mollesse
et infliger à l'armée les rigueurs de la discipline, c'est agir
en tyran, et non pas en général. C'est en pratiquant ces
maximes, et d'autres semblables, que vos ancêtres ont fait
la gloire de l'Etat et la leur. Appuyée sur leurs noms, la
noblesse, qui ressemble si peu à ces grands hommes, ose
nous mépriser, nous qui sommes leurs émules, elle réclame
de vous tous les honneurs, non comme la récompense du
mérite, mais comme un droit acquis. Etrange erreur de
l'orgueil ! Leurs ancêtres leur ont transmis tout ce qu'ils
pouvaient leur transmettre, richesses, images, souvenirs
glorieux de ce qu'ils furent mais la vertu, ils ne la leur ont
point léguée, et ne pouvaient la leur léguer, seule elle ne
peut ni se donner ni se recevoir. Ils m'accusent, de vilenie
et de grossièreté, parce que je m'entends mal à ordonner les
apprêts d'un festin, que je n'ai point d'histrions à ma table,
et que mon cuisinier ne me coûte pas plus cher qu'un
garçon de charrue. J'en conviens bien volontiers car mon
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