Page 96 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
P. 96
pouvoir, et pour l'exercer quand ils l'ont obtenu : d'abord
actifs, souples, modestes, puis passant leur vie dans la
mollesse et dans l'orgueil. Moi, je pense, au contraire,
qu'autant la république entière est au-dessus du consulat et
de la préture, autant on doit mettre, pour la bien gouverner,
plus de soin que pour briguer ces honneurs. Je ne me
dissimule pas combien l'insigne faveur que vous m'avez
accordée m'impose d'obligations. Faire les préparatifs de la
guerre et à la fois ménager le trésor public, contraindre au
service ceux à qui on ne voudrait point déplaire, pourvoir à
tout au dedans et au dehors, malgré les envieux, les
opposants, les factieux, c'est, Romains, une tâche plus rude
qu'on ne pense. Les autres, du moins, s'ils ont failli,
l'ancienneté de leur noblesse, les brillants exploits de leurs
aïeux, le crédit de leurs proches et de leurs alliés, le
nombre de leurs clients, sont là pour les protéger. Pour
moi, toutes mes espérances sont en moi seul, c'est par mon
courage et mon intégrité qu'il me faut les soutenir, car,
auprès de ceux-là, tous les autres appuis sont bien faibles.
Je le vois, Romains, tous les regards sont fixés sur moi, les
citoyens honnêtes et justes me sont favorables, parce que
mes services profiteront à la république. La noblesse
n'attend que le moment de l'attaque, je dois donc redoubler
d'efforts pour que vous ne soyez point opprimés, et que son
attente soit trompée. La vie que j'ai menée depuis mon
enfance jusqu'à ce jour m'a donné l'habitude des travaux et
des périls : la conduite qu'avant vos bienfaits je tenais sans
espoir de salaire, maintenant que j'en ai pour ainsi dire reçu
la récompense, je ne m'aviserai pas de m'en départir. La
www.dzwebdata.com