Page 97 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
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modération dans le pouvoir est difficile aux ambitieux qui,
pour parvenir, ont fait semblant d'être honnêtes gens mais
chez moi, qui ai consacré toute ma vie à la pratique des
vertus, l'habitude de bien faire est devenue naturelle. Vous
m'avez chargé de la guerre contre Jugurtha, la noblesse
s'est irritée de ce choix. Réfléchissez mûrement, je vous
prie, s'il ne vaudrait pas mieux changer votre décret, et,
parmi cette foule de nobles, chercher pour cette expédition,
ou pour toute autre semblable, un homme de vieille lignée,
qui comptât beaucoup d'aïeux, et pas une seule campagne :
à savoir, pour que, dans une si importante mission, ignorant
toute chose, troublé, se hâtant mal à propos, il prenne
quelque plébéien qui lui enseigne ses devoirs. Oui, cela
n'arrive que trop souvent : celui que vous avez chargé du
commandement cherche un autre homme qui lui
commande. J'en connais, Romains, qui ont attendu leur
élévation au consulat pour commencer à lire l'histoire de
nos pères et les préceptes des Grecs sur l'art militaire :
hommes qui font tout hors de saison car, bien que, dans
l'ordre des temps, l'exercice d'une magistrature ne puisse
précéder l'élection, il n'en est pas moins la première chose
pour l'importance et pour les résultats. Maintenant,
Romains, à ces patriciens superbes, comparez Marius,
homme nouveau : ce qu'ils ont ouï raconter, ce qu'ils ont lu,
je l'ai vu ou fait moi-même ; l'instruction qu'ils ont prise
dans les livres, je l'ai reçue dans les camps, estimez donc ce
qui vaut le mieux des paroles ou des actions. Ils méprisent
ma naissance, moi, je méprise leur lâcheté. On peut
m'objecter, à moi, le tort de la fortune, à eux on objectera
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