Page 113 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
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grecques et latines. Doué d'une grande âme, il était
passionné pour le plaisir, mais plus encore pour la gloire ;
livré dans ses loisirs à toutes les recherches de la volupté,
jamais pourtant il ne sacrifiait les devoirs aux plaisirs,
toutefois il viola les convenances à l'égard de son épouse.
Eloquent, adroit, facile en amitié, sachant tout feindre avec
une incroyable profondeur de génie, il prodiguait toutes
choses, et surtout l'argent. Plus heureux qu'aucun autre
mortel jusqu'à sa victoire sur ses concitoyens, sa fortune ne
fut jamais supérieure à ses talents, et bien des gens ont
douté s'il devait plus à son courage qu'à son bonheur.
Quant à ce qu'il a fait depuis, dois-je plutôt rougir que
craindre d'en parler ? Je ne sais
XCVI. Sylla arriva donc en Afrique, comme je viens de le
dire, amenant à Marius un corps de cavalerie. De novice,
d'ignorant même qu'il était dans le métier des armes, il ne
tarda pas à y devenir le plus habile de tous. Affable envers
les soldats, ses bienfaits accueillaient et souvent
prévenaient leurs nombreuses demandes, n'acceptant de
service qu'à son corps défendant, il rendait la pareille avec
plus d'empressement qu'on n'en met à payer une dette, sans
jamais exiger pour lui de retour, uniquement occupé qu'il
était d'accroître le nombre de ses obligés. Sérieux ou
enjoués, ses propos s'adressaient même aux derniers
soldats. Dans les travaux, dans les rangs, dans les gardes de
nuit, il savait se multiplier, et toutefois n'attaquait jamais,
défaut trop ordinaire à une coupable ambition, la réputation
du consul, ni celle d'aucun homme estimable, seulement,
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