Page 121 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
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de voir que les dieux aient inspiré à un homme tel que vous
la résolution de préférer enfin la paix à la guerre, de ne pas
souiller la noblesse de son caractère en s'associant au plus
détestable des hommes, à un Jugurtha, et en même temps
de nous épargner la dure nécessité de punir également
votre erreur et sa profonde scélératesse. Le peuple romain,
d'ailleurs, a mieux aimé, dès sa plus faible origine, se faire
des amis qu'enchaîner des esclaves, et il a trouvé plus sûr
de régner par l'affection que par la force. Quant à vous,
aucune alliance ne vous est plus favorable que la nôtre ;
d'abord l'éloignement préviendra entre nous tout motif de
mésintelligence, sans nous empêcher de vous servir comme
si nous étions proches voisins ; ensuite, si nous avons bien
assez de sujets, nous n'avons ni nous, ni personne, jamais
assez d'amis. Et plût aux dieux qu'ils vous eussent ainsi
inspiré dès le commencement ! Certes, vous auriez
aujourd'hui reçu du peuple romain plus de bienfaits que
vous n'en avez essuyé de maux. Mais, puisque la fortune,
qui maîtrise la plupart des événements humains, a voulu
vous faire éprouver notre pouvoir aussi bien que notre
bienveillance, aujourd'hui qu'elle vous offre l'occasion,
hâtez-vous, achevez votre ouvrage. Il se présente à vous
bien des moyens faciles de faire oublier votre erreur par
vos services. Enfin, pénétrez-vous bien de cette pensée,
que jamais le peuple romain n'a été vaincu en générosité ;
pour ce qu'il vaut à la guerre, vous le savez par vous-même
». A ce discours, Bocchus répond avec douceur et
courtoisie. Après quelques mots de justification, il ajoute
que «ce n'est pas dans un esprit hostile, mais pour la
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