Page 31 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
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t-il, si ce n'est la force de vos armes, pour le faire rentrer
dans le devoir ? Certes, je voudrais que tout ce que
j'allègue dans cette lettre, et tout ce dont je me suis plaint
devant le sénat, fussent de vaines chimères, sans que mes
malheurs attestassent, la vérité de mes paroles ; mais,
puisque je suis né pour être la preuve éclatante de la
scélératesse de Jugurtha, ce n'est plus aux infortunes qui
m'accablent que je vous supplie de me soustraire, mais à la
puissance de mon ennemi et aux tortures qu'il me prépare.
Le royaume de Numidie vous appartient, disposez-en à
votre gré mais, pour ma personne, arrachez-la aux mains
impies de Jugurtha. Je vous en conjure par la majesté de
votre empire, par les saints noeuds de l'amitié, s'il vous
reste encore quelque ressouvenir de mon aïeul Masinissa».
XXV. Après la lecture de cette lettre, quelques sénateurs
furent d'avis d'envoyer aussitôt en Afrique une armée au
secours d'Adherbal, et subsidiairement de délibérer sur la
désobéissance de Jugurtha envers les commissaires du
sénat. Mais les partisans du roi réunirent de nouveau leurs
efforts pour faire rejeter le décret et, comme il arrive dans
presque toutes les affaires, le bien général fut sacrifié à
l'intérêt particulier. On envoya toutefois en Afrique une
députation d'hommes recommandables par l'âge, par la
naissance et par l'éminence des dignités dont ils avaient été
revêtus. De ce nombre était M. Scaurus, dont j'ai déjà
parlé, consulaire et alors prince du sénat. Ces nouveaux
commissaires, cédant à l'indignation publique et aux
instances des Numides, s'embarquent au bout de trois jours,
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