Page 37 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
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quelqu'une de ses nombreuses harangues, et j'ai choisi de
préférence celle qu'il prononça en ces termes devant le
peuple, après le retour de Bestia
XXXI. « Que de motifs m'éloigneraient de vous, Romains,
si l'amour du bien public ne l'emportait, la puissance d'une
faction, votre patience, l'absence de toute justice, surtout la
certitude que la vertu a plus de périls que d'honneurs à
attendre. J'ai honte, en effet, de dire combien, depuis ces
quinze dernières années, vous avez servi de jouet à
l'insolence de quelques oppresseurs, avec quelle ignominie
vous avez laissé périr sans vengeance les défenseurs de vos
droits, à quel excès de bassesse et de lâcheté vos âmes se
sont abandonnées. Aujourd'hui même, que vous avez prise
sur vos ennemis, vous ne vous réveillez pas. Vous tremblez
encore devant ceux qui devraient être saisis d'effroi devant
vous ; mais, malgré de si justes motifs pour garder le
silence, mon courage me fait une loi d'attaquer encore la
puissance de cette faction : non, je n'hésiterai point à user
de cette liberté que j'ai reçue de mes ancêtres : le ferai-je
inutilement ou avec fruit ? cela dépend de vous seuls, ô
mes concitoyens ! Je ne vous exhorte point à imiter
l'exemple si souvent donné par vos pères, de repousser
l'injustice les armes à la main ; il n'est ici besoin ni de
violence ni de scission, il suffit de leur infâme conduite
pour précipiter la ruine de vos adversaires.
Après l'assassinat de Tiberius Gracchus, qui, disaient-ils,
aspirait à la royauté, le peuple romain se vit en butte à leurs
rigoureuses enquêtes. De même, après le meurtre de Caïus
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