Page 41 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
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devoir vous en avertir, vous en conjurer, ne laissez pas un
si grand crime impuni. Il ne s'agit pas ici de l'enlèvement
des deniers publics, ni d'argent extorqué violemment aux
alliés ; ces excès, quelle que soit leur gravité, aujourd'hui
passent inaperçus, tant ils sont communs. Mais on a
sacrifié au plus dangereux de vos ennemis et l'autorité du
sénat et la majesté de votre empire : dans Rome et dans les
camps, la république a été vendue. Si ces crimes ne sont
pas poursuivis, s'il n'est fait justice des coupables, il ne
nous reste plus qu'à vivre en esclaves et en sujets ; car faire
impunément tout ce qu'on veut, c'est être vraiment roi. Ce
n'est pas, Romains, que je vous exhorte à vouloir de
préférence trouver vos concitoyens coupables plutôt
qu'innocents ; tout ce que je vous demande, c'est de ne pas
sacrifier les honnêtes gens pour faire grâce aux pervers.
Considérez, d'ailleurs, que dans une république il vaut
beaucoup mieux oublier le bien que le mal : l'homme
vertueux qu'on néglige devient seulement moins zélé ; le
méchant en devient plus audacieux. Considérez enfin que
prévenir l'injustice, c'est le moyen de n'avoir que rarement
besoin de secours contre ses atteintes ».
XXXII. Par de tels discours souvent répétés, Memmius
détermine le peuple à envoyer L. Cassius, alors prêteur,
vers Jugurtha, que, sous la garantie de la foi publique, il
amènerait à Rome. On espérait que les dépositions de ce
monarque ne manqueraient pas de jeter du jour sur les
prévarications de Scaurus et des autres sénateurs accusés
d'avoir reçu de l'argent. Tandis que ceci se passe à Rome,
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