Page 50 - GUERRE DE JUGHURTA par SALLUSTE - Traduction Ch. Durozoir - 1865 - DZWEBDATA
P. 50
italiens, ils firent naître mille obstacles. On ne saurait
croire avec quelle force, quelle persévérance de volonté, le
peuple décréta cette mesure, moins, il est vrai, par zèle
pour la république, qu'en haine de la noblesse, à qui elle
préparait bien des maux : tant la fureur des partis est
extrême ! Tandis que tous les nobles sont frappés de
terreur, Marcus Scaurus, que nous avons vu lieutenant de
Bestia, parvient, au milieu de la joie du peuple, de la
déroute de son parti et de l'agitation qui règne dans la ville
entière, à se faire nommer l'un des trois commissaires dont
la loi de Mamilius provoquait la création. Les enquêtes ne
s'en firent pas moins avec dureté, avec violence, d'après des
ouï-dire et le caprice du peuple. Ainsi l'exemple souvent
donné par la noblesse fut imité par le peuple dans cette
circonstance : la prospérité la rendit insolent.
XLI. L'usage de se diviser en parti populaire et en faction
du sénat, puis tous les excès résultant de cette distinction,
avaient pris naissance à Rome peu d'années auparavant au
sein même du repos et de l'abondance, que les mortels
regardent comme les plus précieux des biens. Avant la
destruction de Carthage, le peuple et le sénat romain
gouvernaient de concert la république avec douceur et
modération. Les honneurs et la puissance n'étaient le sujet
d'aucun débat entre les citoyens, la crainte des ennemis
maintenait les bons principes dans l'Etat ; mais, dès que les
esprits furent affranchis de cette terreur salutaire, l'orgueil
et la mollesse, compagnes ordinaires de la prospérité,
s'introduisirent aussitôt dans Rome. Ainsi ce qu'on avait
www.dzwebdata.com