Page 257 - Histoires et Contes Arabes - Bibliothèque du bon vivant - 1927 - DZWEBDATA
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HISTOIRES                             ARABES




       pas d'argent à    lui donner,   il  lui demanda son âne
       et alla le vendre.
          Le mari, ne retrouvant plus      l'âne, interrogea son
       épouse, qui lui déclara   :
          — Je suis rentrée tout à l'heure à l'étable      et, au
       lieu d'âne,  j'ai vu un homme       qui m'a dit    :  « Ne
       t'étonne  pas. Je   suis ensorcelé. Un     magicien ma
       condamné à passer la moitié de ma vie sous la forme
       d'un âne. Le reste du temps je suis cadi, et je rends
       en cette qualité    les  jugements    au  tribunal.   C'est
       l'heure  à laquelle je dçis m'y rendre. Je t'en       prie,
       ne  dis rien  à ton mari. Je     suis bien chez vous.    11
       me nourrit bien. Recommande-lui pourtant à l'occa-
       sion de ne pas me piquer trop fort        le eul arec son
       aiguillon, comme     il en a l'habitude, car j'ai cet en-
       droit doué d'une grande       sensibilité.  »  Ayant  ainsi
       parlé, notre    baudet  s'est  rendu au tribunal     juger
       comme cadi.
          — Allah est grand     ! s'écria  le mari. Mais moi j'ai
       besoin de mon âne pour porter ce paquet. Que faire P
          Il  prit une poignée de fèves     et  se rendit au   tri-
       bunal. Le vrai cadi y siégeait. Alors      le mari se mit
       à  lui montrer    les  fèves, dont Jes    ânes   sont  très
       friands, en lui   faisant signe   qu'il les  lui offrait,  et
       pensant qu'à cette vue le baudet-cadi ne manquerait
       pas d'accourir.
          Voyant cet homme qui lui faisait des signes bizar-
       res,  le  cadi envova un    o-arde  le chercher.  Alors  le
       mari lui dit à l'oreille  :
          — Je sais tout. Je suis    très contrarié de   l'état où
       t'ont réduit  les magiciens   ; mais  j'ai besoin présen-
       tement de tes services pour porter un sac. Je te prie
       donc de lever l'audience      et de prendre pour quel-
       ques heures    ta forme d'âne.
          Entendant ces mots,      le  cadi  ne  douta pas qu'il
       n'eût affaire  à un fou dangereux,     et recula de quel-
       ques pas, abasourdi
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