Page 48 - Histoires et Contes Arabes - Bibliothèque du bon vivant - 1927 - DZWEBDATA
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HISTOIRES ARABES
Quand la femme fut sortie, le sultan demanda à
ses courtisans s'ils avaient compris ce qu'elle avait
souhaité.
— Oui, dirent-ils, ô émir des Croyants ! Elle a
prié Dieu de rafraîchir ton œil, c'est-à-dire de te
combler de joie et de plaisirs. Puis elle a fait des
vœux pour ton bonheur et pour la perfection de ton
bonheur.
— Pas du tout, dit Maroun. Ses mots étaient à
double sens. Dans le fond de sa pensée, elle souhai-
tait que je devinsse aveugle. Puis elle a fait des
vœux pour ma ruine, en faisant allusion au verset
suivant du Coran : « Nous les prendrons à Timpro-
viste, quand ils seront contents de ce que nous leur
avons donné », c'est-à-dire quand on se croit heu-
reux. Enfin, elle a fait allusion à ce vers fameux :
(( C'est quand une chose est devenue parfaite que
son amoindrissement commence. Attends-toi à une
chute quand on déclare : c'est l'apogée et la plé-
nitude. »
Mais comme Haroun Ar Rachid était généreux et
aimait les reparties spirituelles et les paroles subtiles,
il avait volontiers gratifié de ses dons la fille de ses
ennemis vaincus.
Un homme fut traîné devant le cadi pour en avoir
giflé un autre.
Le juge le condamna à payer une indemnité d'un
feh (moins d'un centime).
— Je vais aller chercher la somme chez moi, dit
celui qui avait été condamné.
— Va, dit le cadi.
Et la victime dut attendre au tribunal que l'autre
revînt avec cette somme dérisoire.
Le débiteur se faisant attendre, notre homme,
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